Qu’est-ce la «discipline positive » selon la pédagogie Montessori ?

Un préjugé répandu conduit à associer Montessori à une forme de « liberté sans limite », voire d’absence de discipline.

Ce préjugé est totalement erroné et va à l’encontre des principes mêmes de la pédagogie Montessori construite autour de la discipline. En effet, Maria Montessori fait de la discipline la pierre d’angle de sa pédagogie. Le Dr Montessori écrira en effet :

« Notre tâche est de montrer le chemin vers la discipline » (Maria Montessori, The Absorbent Mind, p. 240)

Que recoupe cette notion de « discipline » ? Comment se pratique la discipline dans un environnement Montessori ? Pourquoi et comment faire acquérir à l’enfant la discipline ?

Qu’est-ce que la discipline positive ?

La discipline positive est basée sur l’approche développée par Jane Nelsen et Lynn Lott dans les années 1970. Elle s’appuie sur la psychologie adlérienne. Le terme “discipline” vient du latin “disciplina”, signifiant “à instruire”, et “positive” renvoie à la focalisation sur les comportements souhaités.

La discipline positive s’appuie sur l’enseignement des bons comportements à l’enfant plutôt que sur la répression des comportements dits négatifs (discipline négative).

« Ceux qui disent qu’il est de notre devoir de maintenir l’enfant dans une obéissance aveugle, que nous avons le droit de le corriger et qu’en conséquence l’enfant deviendra intelligent, bon et instruit, se trompent eux-mêmes. » (Maria Montessori, Maria Montessori Speaks to Parents, p. 17)

La discipline positive est évidemment présente dans la pédagogie Montessori par le biais des leçons de « grâce et courtoisie » dès le plus jeune âge, par les présentations faites par l’éducateur des bons comportements : comment prendre et ranger du matériel correctement, observer quelqu’un qui travaille, entrer en interaction avec quelqu’un déjà occupé etc.

Ce rapport à la discipline fait que les enfants ne sont pas brisés verbalement par les adultes mais envisagent la discipline comme un champ d’apprentissage comme les autres.

Les trois degrés de l’obéissance : un apprentissage

Le Dr Montessori a décrit « 3 degrés d’obéissance » qui nous éclairent sur le processus d’apprentissage de l’obéissance (qui est une composante de la discipline) et sur la relation des éducateurs/parents à leur enfant.

  • Le premier degré d’obéissance : il prend place durant la première période de la vie, pendant la période de 0 à 3 ans. L’enfant fait l’apprentissage de l’obéissance : c’est-à-dire de la capacité à pouvoir suivre une volonté autre que la sienne. La désobéissance est vue comme partie intégrante de l’apprentissage.
  • Le second degré d’obéissance : c’est lorsque l’enfant obéit parce qu’il a compris qu’il devait obéir. Il parvient à suivre une volonté autre que la sienne. Mais il obéit encore par réflexe et contrainte.
  • Le troisième degré d’obéissance : c’est lorsque l’enfant obéit parce qu’il comprend que l’obéissance est positive car elle lui permet de développer ses connaissances, ses expériences.

C’est évidemment l’atteinte du troisième degré qui est l’objectif. Pour l’atteindre, il est nécessaire que la relation entre les éducateurs/parents et l’enfant soit éclairée par les connaissances des besoins réels de l’enfant et basée sur la confiance.

Il ne peut donc y avoir de discipline sans confiance saine. Une relation basée sur la peur nous maintiendrait au mieux dans le second degré d’obéissance.

De la discipline intérieure à la discipline extérieure

Le Dr Montessori est allée plus loin en matière de compréhension de la discipline. Maria Montessori a remarqué que la véritable discipline est innée à chaque être et se manifeste naturellement, pour peu que l’enfant soit correctement accompagné dans son développement.

L’apparition de la discipline intérieure conduisant à la manifestation d’une discipline extérieure n’est possible que si l’enfant dispose paradoxalement de suffisamment de liberté pour en faire une acquisition autonome.

En effet, la discipline extérieure, le mouvement de l’adulte vers l’enfant consistant à restreindre la liberté ce dernier, conduit à une forme d’obstacle au développement.

Si la discipline manque disait le Dr Montessori, alors donnez plus de liberté. Ce paradoxe est pourtant une vérité pour l’éducateur ou le parent observateur. Cependant, cette liberté donnée doit être guidée par un ensemble de garde-fous : l’environnement préparé.

C’est alors qu’un subtil réglage doit prendre place : un équilibre entre le cadre objectif de la discipline (l’environnement préparé, matériellement et socialement) et la liberté de l’enfant.
C’est par ces nombreux va-et-vient entre le cadre et sa liberté par des activités diverses que l’enfant fait l’acquisition d’une qualité fondamentale de l’être humain : l’auto-discipline.

« L’enseignant montre à l’enfant comment utiliser le matériel, comment se laver, mais c’est l’enfant qui manipule le matériel, se perfectionne dans son exercice et se nettoie le visage de son propre chef. Il est donc à la fois actif et libre, et de ces deux facteurs naît cette qualité vitale d’un caractère fort : la discipline intérieure.» (Maria Montessori Maria Montessori Speaks to Parents, p. 20)

L’autodiscipline : la clé de la vraie liberté

Nous l’avons compris, c’est par une activité libre et motivée par l’enfant, que la véritable discipline peut naître.

Comme l’observait le Dr Montessori :

« Lorsqu’un enfant essaie inlassablement de créer des motifs avec ses blocs, simplement parce que cela l’intéresse, il n’est pas nécessaire de le discipliner de l’extérieur, il se discipline lui-même. » (Maria Montessori, Maria Montessori Speaks to Parents, p. 13).

Ainsi, nous ne devons pas confondre l’idée d’une fausse liberté (permissivité) avec la liberté donnée dans un environnement Montessori : liberté de choix, de se déplacer, de s’associer avec d’autres enfants, de répéter un exercice tant que l’on veut.
En effet, cette liberté constructive est possible car l’enfant est en mesure de s’autodiscipliner.

« Laisser l’enfant faire ce qu’il veut alors qu’il n’a pas encore développé de pouvoir de contrôle, c’est trahir l’idée de liberté. » Maria Montessori, The Absorbent Mind, p. 204.

L’acquisition de l’autodiscipline se fait entre 0 et 6 ans (https://3forets-montessori.fr/les-maternelles-3-6-ans/). L’autodiscipline est une manifestation de ce que Maria Montessori appelait le processus de normalisation de l’être humain. Elle permet à l’enfant d’obtenir une indépendance vis-à-vis de l’adulte. Un enfant normalisé sait en effet trouver une activité constructive pour lui et n’a pas besoin d’être cadré toute la journée par un adulte (discipline extérieure).

Il est difficile d’offrir aux enfants de plus de 6 ans qui n’ont pas acquis l’autodiscipline un cadre de liberté, puisqu’ils ne seront pas en mesure de faire un usage constructif de leur liberté.

Aussi est-il fondamental de permettre aux enfants d’acquérir l’autodiscipline dès leur plus jeune âge grâce à un environnement préparé fait pour cela.

« Dans nos écoles, il n’y a pas de punition ou de récompense qui puisse interférer avec la joie du travail lui-même. La seule récompense est l’achèvement du travail – c’est à ce moment-là que la discipline intérieure se met en place […] » Maria Montessori, Maria Montessori Speaks to Parents, p. 22